Article Pépites : La Minoterie Girardeau, fleuron du patrimoine industriel

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À Boussay (Loire-Atlantique, France), la Minoterie Girardeau vogue au cœur des mutations de la filière céréalière. Rencontre avec Bertrand Girardeau.

Bertrand Girardeau

On pourrait présenter l’histoire de la Minoterie Girardeau comme un coup de foudre qui s’affermit en passion durable, de génération en génération. « Mon arrière-arrière-grand-père a acheté le moulin à eau du Feuillou en 1895, en vente à la chandelle à la foire de Montaigu, raconte l’actuel dirigeant, Bertrand Girardeau. Il était agriculteur, personne ne sait pourquoi il l’a acheté ! » Bertrand Girardeau, lui, sait comment il est arrivé là : « Mes parents parlaient boulot matin, midi et soir. Ça a dégoûté les frères et sœurs, mais pas moi. J’ai fait l’école de meunerie à Paris, je voulais être entrepreneur. Quand j’ai rejoint l’entreprise en 1985, je connaissais les clients avant même de les avoir rencontrés ! »

À cette époque, le paysage de la meunerie française présente un tout autre aspect qu’aujourd’hui. 1200 moulins, en grande majorité détenus par des familles, font de la France le premier exportateur mondial de farine. Le vaste mouvement de concentration et d’industrialisation de ces trente dernières années a réduit le nombre de moulins à moins de 400 ; l’export est quasiment nul. « Depuis trente ans, si je n’avais pas développé l’entreprise en industrialisant et en rachetant des moulins, souligne le dirigeant, c’est nous qui aurions été rachetés. »

Six Moulins Associés cultivant la proximité

Aujourd’hui, la Minoterie Girardeau est au cœur d’un groupement de sept entités indépendantes : six « Moulins Associés » dans l’Ouest et la région parisienne, et un centre de formation sur le site du Fromenteau à Boussay. « Nous ne sommes pas un groupe. Je ne suis tenté de mettre mon nom sur chaque moulin ; je souhaite plutôt cultiver nos histoires et nos différences. Un boulanger a besoin de proximité avec son meunier, son boulanger-formateur, fon fournil d’essai. Nous sommes associés par les valeurs : l’intention d’assembler les meilleurs crus de céréales pour produire des farines d’une qualité parfaite et régulière. »

La proximité se cultive aussi avec les producteurs. Pour la Minoterie de Boussay, l’aire d’approvisionnement est de 80 km. Cela monte à 150 km pour la minoterie du Château en Mayenne qui écrase des blés particuliers. « Notre cahier des charges est plus exigeant que la réglementation. Nous avons aussi été avant-gardistes sur le développement de la filière céréalière CRC (Culture Raisonnée Contrôlée). » Avec 15% de la production en bio, les Moulins Associés sont également le premier fabricant français de farines bio. A Boussay, le développement de la Minoterie Girardeau a bénéficié de la belle dynamique du secteur agroalimentaire dans le grand Ouest, qui représente 65% de sa clientèle. Les artisans-boulangers représentent 20%, 10% la grande distribution et 5% de la production part à l’export.

Laboratoire d’analyses interne

Le moulin du Feuillou, bijou du patrimoine vivant

Spécialisée dans les farines bio, la Minoterie Suire a été rachetée en 1987 puis transférée en 2004 dans le moulin du Feuillou à Boussay. Elle travaille une dizaine de céréales pour produire des farines haut de gamme : blé, sarrasin, épeautre… Si la roue à aubes entraînée par le Sèvre Nantaise a disparue depuis longtemps, ce moulin a acquis au fil des ans une haute valeur patrimoniale en préservant le savoir-faire du broyage à la pierre de silex. Fin 2019, l’ajout de cinq paires de meules à été l’aboutissement d’une ardente chasse au trésor. « Il n’existe plus de carrière de pierre de silex. Pour ajouter une paire de meules au moulin, il faut repérer des meules abandonnées, négocier avec le propriétaire, parfois trouver le moyen de les sortir d’un moulin en ruine… »

Je suis le porteur d’un projet dont on m’a confié le développement ; je serai très heureux de le transmettre.

Le Moulin du XXIème siècle ne dort jamais

S’il y a un endroit à Boussay où l’on n’entre pas comme dans un moulin, c’est bien la Minoterie du Fromenteau ! Hygiène, traçabilité, qualité et sécurité alimentaire ont commandé la conception de cet outil industriel ultramoderne ouvert en 2002. Les humains, même avant le covid, n’accèdent au site industriel qu’en stricte tenue de sécurité sanitaire. Les céréales subissent un contrôle qualité avant déchargement, et la traçabilité des lots est totale depuis le producteur jusqu’au paquet de farine sur le rayon du magasin. « La meunerie est un métier de volume : il y a très peu de marge. Le fromenteau est un outil industriel, très automatisé, d’une capacité de 450 tonnes par jour. Il tourne 24h/24, 7 jours sur 7 mais la moitié du temps, il n’y a personne ! nos emplois sont majoritairement des emplois de service et non de production : commerce, qualité, accompagnement des boulangers… » C’est pour donner une nouvelle envergure à ce positionnement que les Moulins Associés ont lancé, en 2019, une nouvelle offre d’accompagnement de la boulangerie artisanale : la démarche ABC comme « Artisans Boulangers Convaincus ». « On souhaite accompagner les artisans boulangers indépendants à tous les moments de la vie de leur entreprise, souligne Bertrand Girardeau : au moment de leur installation ou lors de travaux, sur la vente, le management et la production. C’est la première fois que l’on accompagne de cette façon l’artisanat en boulangerie. » Au fait, quand on est la quatrième génération à piloter une entreprise, comment se pose la question de la succession ? « Laisser venir et faire confiance » semble être la philosophie du dirigeant, qui se souvient de sa propre histoire : « J »ai toujours apprécié que ma mère ne me force pas à prendre l’entreprise. Au décès prématuré de mon père en 1981, c’est elle qui a reprise la direction. Elle était volontaire, entreprenante, audacieuse et savait s’entourer. Au fur et à mesure, elle m’a confié des responsabilités dans tous les domaines, jusqu’au passage de témoin en 1995. Nous avons fait un super tandem pendant 25 ans. Je suis le porteur d’un projet dont on m’a confié le développement ; je serai très heureux de le transmettre. »

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